Harmonie, Autonomie, Respiration, Action

Conscience @ Un autre regard

Permis de chasse, l’occasion de se traquer soi même.

Lacan disait « Le réel c’est quand on se cogne ». Je viens de me cogner une superbe occasion de se traquer soi même et bien ça fait mal et à vrai dire je me cogne encore face à cette expérience que mon conditionnement et mes certitudes n’avaient jamais envisagé. C’est une expérience totalement imprévue offrant une occasion en or de me traquer moi même, de traquer ma suffisance, mon arrogance, mes peurs, mon énorme complaisance et comme dirait Don Juan Matus la haute idée que j’avais de moi même « sans absolument rien pour la justifier »

Rien de grave rassurez vous, vous n’étiez pas inquiets en même temps vu que vous ne me connaissez pas. Donc rassurez vous pas, ça n’a rien d’exceptionnel pour pas mal de gens sur terre mais ça a crée un chaos cognitif dans ma vie intérieure, chaos et terreur que je ressent encore d’ailleurs.

C’est quoi cet expérience si traumatique ? Riez pas s’il vous plaît, simplement mon inscription au permis de chasse ! Un truc qui pour le spiritualiste, lecteur de télérama, bien pensant jusqu’à la couleur des chaussettes et disciple du « on est tous frères et pacifiste mais repasse moi encore de cet excellente daube de sanglier » ne pouvez pas imaginer et encore moins admettre. Vous voyez rien que de le dire j’en ai encore un peu mal au cul !

Chercher toutes les occasions de se traquer soi même.

J’aurais du sentir la blague venir, mais comme je ne pouvais pas l’imaginer et que je juge les chasseurs et la chasse comme étant le maaaal, des beauf, voir pire, je n’ai rien vu venir. Hélas pour ma complaisance notre cercle de travail n’est pas un lieu réservé exclusivement à la réflexion ou à la recherche intellectuelle. Bien que ces dernières soient très utiles, nous les pensons insuffisantes.

Parce que la vie est bien réelle et que vue du point de vue de l’énergie, les nombreux choix que nous faisons consciemment ou pas impactent en nous et autour de nous. Mais de fait tous les non-choix, du point de vue énergétique impactent aussi notre vie et la vie en général.

Nous sommes donc sortis, à un moment donné, du salon où l’on cause pour mettre en œuvre des actions. Nous avons opté pour des activités bien concrètes et très pratiques (construction bois, maçonnerie, jardin potager etc ) et avons vite constaté que ça faisait flambé ou pas nos comportements et surtout ceux que nous essayons à grand renfort d’énergie de (nous) cacher.

Autant on peut « communier » longtemps autour d’une cause ou d’un idéal, autant les activités pratiques font monter en flèche les résistances. Parce qu’on nous voit davantage ! Les occasions de montrer ses petites mesquineries augmentent proportionnellement au fait de se confronter à la réalité.

S’engager seul ou à plusieurs à faire une action concrète qui sort de notre conditionnement et nos habitudes d’agir ou de penser c’est une formidable occasion de se traquer soi même en bousculant notre conditionnement.

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Photo by Maria Lysenko on Unsplash

Si tu ne te traques pas la vie elle te traquera !

Si ce n’est pas volontairement que l’on cherche à sortir du connu qui nous limite, la vie s’en charge-t-elle ? Peut-être bien. Il y a des évènements exceptionnels, disons plutôt graves, qui vont agir dans ce sens. Dans ma vie (de pacha) il n’y a pas eu de choc réellement traumatique (du type être battu, subir une attaque terroriste, un enlèvement, séquestration ou autre).

Il y a eu la perte de proches. Lorsque j’ai perdu mon père, puis ma mère, j’ai pu trouver dans l’urgence de la situation une manière de faire face. La première fois, j’étais encore jeune, 25 ans, mon père est mort très rapidement d’une pancréatite foudroyante. J’ai surtout capté à quel point la vie était éphémère et que je perdais quelqu’un qui comptait pour moi malgré une incommunication totale. Du moins par les mots. Et que ça été un boost pour mobiliser des forces. Puis c’est retombé.

Pour ma mère, j’avais 45 ans, j’ai beaucoup plus réagi en allant près d’elle à l’hôpital puis en organisant les obsèques. Mais ça n’a pas fondamentalement changé mon comportement habituel de rêveur et de paresseux face aux réalités.

Je sais que évènements choc de ma vie ne suffisent en rien à modifier mes comportements d’une manière définitive. Après un certain temps, le comportement habituel reprend le dessus. Hormis des situations d’urgence, parmi les actes qui visent à faire bouger notre point d’assemblage il y a les actes psychomagiques (mis sur le devant de la scène par Jodorowsky).

Mais là encore, le hic, c’est qu’ils sont donnés par un individu à qui ont donne du crédit et du pouvoir et qu’une fois l’effet retombé, qu’est-ce qui prouve que l’on va continuer à s’appliquer la même méthode d’une manière autonome ?

C’est dans cette optique d’autonomisation que j’ai accepté, sans joie, de m’inscrire à la formation et à l’examen du permis de chasse puisque dans les choses pragmatiques c’était un peu ce que je redoutais le plus. Un coté très concret, des hommes rugueux, avec des caractères tout sauf lisse et « civilisé », de la mort et des tripes et la mise à mal de mon idéal de gentil garçon.

La confrontation au réel : la différence entre vouloir changer et changer !

Chez moi cela soulève une réaction de peur et un fort désagrément vu à quel point la chasse est éloigné de ce que je suis (de ce que je me débrouillé de devenir). Par mon conditionnement j’ai ma croyance sur les chasseurs : La chasse ce n’est pas bien, les chasseurs font du mal aux animaux innocents et ils enlèvent la tranquillité aux randonneurs et aux ramasseurs de champignons. Une vision négative et un jugement sur ceux qui font des choses très éloignées de mon personnage.

Mon conditionnement est double et contradictoire, comme souvent je crois. Les hommes de ma famille étaient chasseurs et j’en ai profité en mangeant du gibier dans mon enfance. Ensuite je suis devenu soi-disant plus sensible et raffiné et j’ai mis un jugement sur les chasseurs. Issu d’une famille de paysans, j’ai fabriqué un personnage à contrario, mélange d’intellectuel-artiste, sensible, globalement craintif.

A partir de cette situation et faisant partie d’un cercle de travail c’est un moyen de développement personnel. Je peux croire que je vais faire quelque chose qui me contraint pour obéir au cercle, au thérapeute, au maître. Mais ce que j’ai compris, même si je me raconte encore trop souvent l’inverse, c’est qu’en réalité c’est une opportunité de se traquer soi même. Une occasion que je saisi, ou pas, pour sortir de mon conditionnement et acquérir plus de souplesse et plus d’ouverture sur le monde qui m’entoure. 

Étape 1 : le rejet catégorique

Je reste dans mon jugement et ma peur. Je ne donne pas suite à ce qui est proposé. C’est 9 fois sur 10 comme ça que je réagis et fonctionne. Une proposition, même agréable, mais qui est non prévue ou non conventionnelle pour moi et c’est un « oui mais » timide qui apparaît cachant en réalité un « va bien te faire foutre » énergétique.

Autant vous dire que c’est synonyme de tout sauf de se traquer soi même. Heureusement en ce qui concerne la proposition de passer mon permis de chasse ça n’a pas trop duré.

Étape 2 : accepter le dérangement et faire l’effort de m’intéresser au sujet. 

Après le refus plus ou moins catégorique de cette occasion d’aller au delà des limites du personnages que je me suis crée j’ai persévéré. JE découvre qu’il apprend des choses. JE veux bien faire l’effort de modifier sa croyance et commencer à comprendre le point de vue de ceux qui pratiquent la chasse. A l’effort vient une satisfaction. Mais c’est aussi le piège de la connaissance. Et celui la j’adore plonger dedans, ça fait cossue, riche, et ça permet de se dire qu’on est au dessus du lot.

Je tolère, je sais, mais je n’adhère toujours pas. Il est plus facile d’accumuler du savoir que réellement changer sa croyance et son comportement.

Étape 3 : Je m’oblige à agir. Je fais face au concret.

Je saisi cette occasion de se traquer soi même totalement. Je fais l’effort de comprendre, de voir et aussi surtout d’agir en fonction ! Car la vrai traque sur soi commence quand on agit concrètement, quand « on se cogne », que ça fait « mal au cul » ce qui se résume très souvent chez moi à être exposée, visible de tout et tous !

En gros je m’inscris au permis de chasse et là c’est autre chose. La cuirasse veut prendre les commandes en appuyant sur la peur et le dérangement inhabituel. En utilisant un système bien rôdé. C’est bon pour la théorie mais c’est non pour la pratique. Ainsi universitaire, j’avais obtenu toutes les matières théoriques et aucune portant sur la pédagogie qui étaient en contact direct avec le public.

Une stratégie fréquente de la cuirasse face à une échéance c’est de louvoyer, d’esquiver et de perdre du temps. J’aimerais que ce ne soit que ma cuirasse / névrose mais de ce que je vois on est hyper nombreux et c’est très très commun de tourner autour d’un problème et surtout d’oublier d’engager des actions concrètes ou des dates butoirs.

En arrivant à passer ces résistances par le fait de s’inscrire à la formation du permis de chasse, je ne me donne pas le choix et je cherche dans mes connaissances quelqu’un qui chasse et qui peut me montrer le maniement d’un fusil. Je connais un chasseur directeur d’école que j’ai connu dans mon travail. Il accepte de me montrer une première fois chez lui les différents fusils qu’il utilise. Puis il me propose un autre rendez-vous pour aller tirer des cartouches dans la nature.

Vient le moment où je le rejoins lui et son père dans un lieu où ils pratiquent la chasse. Le décor, l’ambiance c’est pour voir si je suis ok pour la suite car c’est toute une atmosphère inhabituelle pour moi. Ils me donnent rendez-vous dans une maison inhabitée à 1000 m sur un plateau enneigé. Grosses voitures, des look de chasseurs digne des plus beaux archétypes du genre, des fusils, beaucoup de fusils… Mais qu’est-ce que je fous là ?

Le réel c’est quand on se cogne et un moyen de savoir où on en est

Le concret de la situation c’est de tirer des cartouches avec un fusil de chasse. Bref, utiliser une arme. Un fusil avant d’être chargé c’est juste un objet comme un autre. Le fusil chargé c’est maintenant se confronter à la réalité la plus âpre, la plus rugueuse. Avoir entre les mains quelque chose qui peut volontairement ou pas retirer la vie oblige à être ici et maintenant. Une notion qu’en tant qu’intellectuel philosophe de la vie je conseille fort bien et pratique fort peu, vraiment fort peu.

Le maniement d’un fusil est surprenant parce que c’est assez lourd et encombrant. On doit être précis et prudent. Une fois chargé, on vise et c’est l’instant où on appuie sur la gâchette. Une détonation hyper bruyante s’en suit et en une fraction de seconde, les plombs sont aller heurter une cible à 25 m.

Pendant cette fraction de seconde le temps est suspendu. Je suis tout entier à l’action. Il n’y a plus de place pour penser à autre chose ou se poser des questions. Parce que l’instant du tir est bien dans la réalité et a un impact tangible, immédiat. A ce moment-là, je vis dans une forme d’intensité dans une situation bien réelle.

De la même manière que je l’ai ressenti dans des situations urgentes. Quand il faut secourir quelqu’un. Quand l’alarme retenti et qu’il faut adopter les gestes d’urgence. Je comprends le chasseur. Il recherche cette confrontation au réel. Il trouve dans la chasse une activité bien concrète et ainsi une manière de se sentir bien vivant et en interaction avec tout ce qui l’entoure. Et cette sensation n’est pas lié uniquement au fait de tuer ou de chasser mais bel et bien de côtoyer un danger qui est celui de tuer ou même se tuer.

C’est aussi un peu comme ce que peut éprouver un sportif dans l’exploit physique et la confrontation aux éléments naturels. Comme tout passionné dans n’importe quelle discipline. Mais l’urgence passée, les habitudes reprennent. La façon d’être habituelle refait surface. Dans mon cas : rêver, subir, fournir peu d’effort, manquer d’autonomie, me comparer, idolâtrer et transformer tout ça en pouvoir. 

Mais pourtant le fait de vivre tout court, tout le temps n’est-il pas urgent ? Pourquoi l’oublier ? Oublier le réel de chaque situation ?

La quête et la peur de l’intensité de la vie brute

C’est cette intensité-là, pourtant, que mon être intérieur recherche. Cette intensité d’être vivant on l’oublie mais à chaque seconde nous n’avons aucune garantie d’être vivant la seconde suivante. On a surtout aucun pouvoir là-dessus de la même manière qu’on ne fait pas soi-même fonctionner son système respiratoire ou cardiaque par la volonté (Barjavel-La faim du Tigre).

Le fait de n’avoir aucune prise sur le vivant devrait nous détendre. Mais la plupart du temps on en fait une tension. On aime contrôler le vivant. Le définir. Le cadrer. L’anesthésier. Il n’y a que des situations et le mental en fait des problèmes.

Quand développement personnel rime avec contrôle personnel

On le voit bien, quand l’urgence est passée, les habitudes reprennent, se traquer soi même si on n’y consacre pas une intention ferme, définitive et de chaque instant ne dure jamais bien longtemps. Les événements extérieurs (stage, permis de chasse, rencontre, accidents) créent le cadre mais c’est nous qui y mettons l’intention, l’intensité. Serons nous dans la réaction, la survie instinctive ou oserons nous plonger dans ces cadres proposés pour se traquer soi même sans relâche ?

La recherche spirituelle ne recherche-t-elle pas cette détente lié à l’absence de contrôle ? Bien sur ! Mais elle la cherche surtout dans l’abstrait et dans des abstractions vaseuses et bien pratiques pour notre auto contemplation. Vivre l’intensité de la confrontation au réel est chose rare chez les spiritualistes ou adeptes du développement perso. Vivre cette confrontation volontairement et avec le sourire est encore plus rare, quand à ce qui est de se traquer soi même, en 20 ans dans les amitiés spirituelles et autres groupes du même genre je crois qu’on a jamais abordé le sujet !

En tant que spiritualiste je voudrais me sentir vivant sans en avoir à payer le prix. Je voudrais profiter des effets vivifiants de la tempête en restant derrière la vitre. L’effort de sortir du confort douillet de mon espace spiritualiste et moral réduit, de mes routines, reste la pierre d’achoppement d’une réelle et profonde évolution vers plus de liberté.

Bien souvent les développé personnellement et les spiritualistes, dont je fais encore très souvent parti, préféreront une pseudo extase mystique que la confrontation franche et directe avec les éléments de la tempête. On préférera parler d’intensité mystique en ayant peur devant la perspective d’engloutir une côte de bœuf. 

Plutôt que risquer de faire ce qu’on n’oserait pas, de se décaler, de se déplacer un peu plus à droite ou à gauche ou devant derrière. Plutôt que risquer à sortir de nos routines et croyances, voir dogmes, on va s’en créer d’autres et des bien résistantes !

Ne pas se traquer soi même permet de maintenir sa fiction

Pour se consoler dans l’apitoiement général il nous reste la religion, opium du peuple et la recherche dite spirituelle et le travail thérapeutique. Surtout le stage du week-end dont les bénéfices fondent plus rapidement que la neige au soleil. Et du coup nous permettre de continuer à considérer ceux qui ouvrent des voies, tous les enseignants, tous les mystiques comme ne faisant pas totalement partie du réel.

Par exemple, les récits rapportés par Castaneda sont une bonne fiction. Une fois le livre fermé, qu’est-ce j’en fais ?

Rester dans la fiction est tellement sympathique : il y a des individus qui ont bougé les lignes et qui ont montré une certaine personnalité. Je peux les maintenir dans un rôle de personnage et me délecter de leurs actions connues et rapportées dans les livres. Et par ce biais continuer à penser que ce n’est pas vraiment réel.

En me racontant cette histoire que ce n’est pas totalement réel, je peux me permettre de faire ce qui m’arrange. Je dis que je j’ai choisi de suivre une voie mais quand ça remet trop en question mon ego, je stoppe. Je mets en pratique ce que cette voie demande tout en y imposant mes limites personnelles. Je suis charitable sauf quand donner de l’argent dépasse une certaine (petite) somme. Je me dis libre de mes actes tout en continuant de craindre mon directeur. Je dis vouloir célébrer la vie mais le cul me dérange. Je veux cheminer avec une équipe pour sortir de l’ordinaire mais je veux avoir des bons copains complaisants qui tolèrent ma complaisance.

Croire que c’est possible, se traquer soi même au quotidien

Risquer à sortir de ses routines, de s’en créer d’autres. De faire ce qu’on n’oserait pas. De se décaler. De se déplacer un peu plus à droite ou à gauche ou devant derrière. C’est difficile et ça dérange. Mais tout n’est-il pas conditionné ?

N’est-ce pas dingue de voir à quel point nous sommes conditionnés à être routinier. A quel point on répète les mêmes trucs, on dit les mêmes choses, on refait les mêmes conneries inlassablement. Une vie de hamster. 

De voir aussi comment on conditionne tout en mode binaire : celui qui réussit et celui qui rate. Celui qui a et celui qui n’a pas, etc…Sortons du binaire en intégrant qu’il n’y a pas de vertu spéciale à réussir ou rater, à collectionner ou pas les moments sympas où les boites d’allumettes.

Donc on peut se créer des nouvelles habitudes. Prendre ce que je crois être Je et lui donner une autre façon de fonctionner. Puisque ce qui entrave a été un apprentissage longuement mis en place, je peux mettre en place un apprentissage voulu qui modifie un comportement gênant, routinier, stupide. 

En théorie, je comprends que je suis plus que mon ego. En pratique, je me confond avec. C’est ma dramaturgie. Se le rappeler coûte que coûte. Arriver à dire stop chaque fois que je m’identifie à une des nombreuses facettes de ma mesquinerie. 

Croire la chose possible !

Lorenzo

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lorenzo

Pianiste et mélomane dramatique on lui excuse beaucoup de chose, c'est un ancien des AS. Il s'efforce de ne plus parler en Mandarin même s'il aime encore trop charger le foie des autres. Il a conscience qu'un jour, malgré lui, il deviendra humain.

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