@renaud13 Merci pour cet excellent article, ca ramène à la base, à l'essentiel, à savoir comprendre les mots et les concepts qu'on utilise.
Comme tu le dis en début d'article, se mettre d'accord sur les définitions des mots et concepts qu'on emploie, c'est la base. Ca permet de discuter, de chercher ensemble, car on part d'une base commune.
J'ai lu et relu attentivement cet article. Les termes apitoiement, complaisance et autocontemplation sont des mots que j'utilise souvent, et depuis un bout de temps. Et pourtant, en relisant attentivement cet article, ma bouche s'est ouvert en un grand Ahhhh, car d'un coup je comprenais autrement, différemment, ou même comprenait tout court.
Mon plus grand Ahhhh a été sur le paragraphe de l'apitoiement. Oui, je suis une grande apitoyeuse, ça, c'est un point de départ. Mais je confondais apitoiement et complaisance. Je m'explique. J'associais l'apitoiement à des émotions, je faisais l'erreur que pas mal d'entre nous font, je pense, qui est de confondre tristesse et apitoiement. Le passage qui a le plus interpellé mon ptit cerveau, et surtout qui a le plus amené de l'eau à mon moulin, c'est quand tu expliques que l'apitoiement, ce n'est pas telle ou telle émotion. L'apitoiement, c'est le fait de juger une émotion, et de s’empêcher de ressentir telle ou telle émotion car elle ne correspond pas à notre cadre moral, elle ne correspond pas à l'image qu'on a de nous, donc à notre auto contemplation. J'ai un peu la sensation de faire de la paraphrase, mais j'insiste sur ce point car il me semble vraiment essentiel !
Refouler une émotion car elle n'arrange pas du tout mon autocontemplation est un sport que j'ai énormément pratiqué et que je continue à pratiquer d'ailleurs. Comme je juge que là, à ce moment là, c'est nul d'être en colère, parce que tu comprends, c'est un caprice et je vais contrôler cette pulsion émotionnelle car je ne VEUX pas être capricieuse car que va-t-on penser de moi, nomaiho, du coup je la refoule. Mais ô magie, c'est pas parce qu'on refoule une émotion comme on glisse de la poussière sous un tapis qu'elle disparaît ! Du coup, ô incompréhension totale, ô injustice, alors que je suis tout sourire, je suis amour et bonté, je ne comprends pas pourquoi les gens sont si tendus et si désagréables avec moi ! Je ne comprends pas pourquoi tout, le monde, la vie, les inconnus que je croise dans la rue, tout semble se liguer contre moi ! Peut-être parce que je dégage une putain de tension non consciente, dûe à cette putain de colère que j'ai foutu sur le tapis et que je fais semblant d'ignorer, va-t-en savoir Edouard !Du coup, bim, sentiment d'injustice, apitoiement, jugement, sur moi et /ou les autres, et renforcement de mon autocontemplation. Le système est bien fait, non ?
A la lumière de cet article, on comprend bien comment complaisance, apitoiement et auto contemplation sont tous intrinsèquement liés, chacun de ces éléments renvoie à l'autre, et on se retrouve piégé dans un système fermé. Et le gardien ultime de ce système si bien huilé, comme tu le dis mais sans t'étendre dessus, c'est la peur. La peur et le refus de l'effort, le refus de l'inconfort.
C'est la peur qui nous susurre à l'oreille que non, on ne peut pas se mettre en colère, ou pleurer, ou rire, on doit contenir cette émotion si gênante ou mal à propos, car que va-t-on penser de nous ? On va nous prendre pour des fous / méchants / mauvais, chacun adapte en fonction, et du coup on va nous rejeter, on va nous abandonner, et on va se retrouver seul et abandonné !
La peur nous tient par les couilles et les ovaires, elle nous fait courber la tête, baisser l'échine. La peur de sortir du cadre, la peur de déranger, la peur d'être anormal, et donc rejeté.
Et c'est le refus de l'effort et de l'inconfort qui nous pousse à nous contenter de, à nous laisser aller à notre complaisance, à ne pas faire l'effort de dire, faire ou penser autrement. Pour certains, l'inconfort sera de ne rien faire, d'arrêter de se battre pour tout, pour d'autres ce sera de finir le geste, de pousser un peu plus loin, de s'extraire de ce si confortable canapé.
La peur et le refus de l'effort et de l'inconfort, voilà nos gardes chiourmes. Voilà ce qui nous fait devenir nous mêmes des gardes chiourmes pour quiconque tenterait de s'extraire de son système fermé, et qui nous fait attaquer quiconque tenterait de nous faire sortir de notre système fermé.
Comme c'est très bien décrit dans l'article, on naît avec un héritage, familial, énergétique, comportemental, historique et socio culturel qui va nous donner un cadre. Et ce cadre est essentiel, on ne peut pas en faire l'économie, c'est ce qui nous structure et nous permet de nous individualiser. Le problème c'est qu'au fur et à mesure, on créé une grille d'interprétation attachée à ce cadre, et assez rapidement, on ne vit plus directement les expériences, on les ramène à un référentiel connu, défini par notre histoire personnelle. L'attachement à notre histoire personnelle nous fait occulter l'évènement dans sa totalité, on ne s'occupe que de l'interprétation de l'évènement, et on le réduit à l'interprétation qu'on en a. Tout comme on se réduit à l'interprétation qu'on a de nous.
On ne dézoome jamais, on reste fixé à notre grille d'interprétation.On sélectionne les éléments qui vont valider notre interprétation, interprétation qui va nous permettre de ressasser en boucle toutes nos expériences passées, qui va valider notre histoire personnelle, bref, on tourne en rond avec pour objectif, nous même, ou plutôt l'interprétation qu'on a de nous même et notre volonté farouche d'y correspondre.
Alors comment on sort du bocal ? comment on sort de cette putain de roue, de cette partie de flipper infinie qui nous renvoie de l'apitoiement à la complaisance, à l'autocontemplation ?
Et bien, vu qu'on a repéré les gardes chiourmes, la peur et le refus de l'effort, je crois qu'on a la direction à suivre. Ca n'est ni confortable, ni agréable, ça va à l'inverse de notre système de survie, tant qu'on a pas compris qu'en restant dans cette boucle fermée on est en train de crever.
On remonte ses chaussettes et on saute à pieds joints pour affronter nos peurs. Je sens poindre une émotion et je n'ai qu'une envie, c'est la refouler ? Alors je me force par tous les moyens à l'exprimer, à la ressentir, à la vivre.
Ca me terrifie de porter des mini jupes, parce que je me trouve grosse, ou que ca fait vulgaire, ou que j'ai les genoux cagneux ? Alors je me force à en porter, et pas qu'une fois. Je me force à en porter jusqu'à ce que ce soit agréable. Jusqu'à ce que je sente, dans mon corps, qu'avec ou sans jupe, ca ne change rien, qu'il n'y a pas d'enjeu, que le monde ne s'écroule pas parce que j'ai mis une mini jupe, un pantalon en skai ou une cravate verte.
C'est désagréable, c'est terrifiant tant qu'on ne s'y colle pas, mais le but c'est de sortir de notre système fermé sur nous même, de dézoomer de notre putain de grille d'interprétation pour découvrir l'expérience, plutôt que son interprétation.
Perso, je suis en cours de dézoomage. Régulièrement je rezoome, et 99 fois sur 100 c'est parce que je me suis laissée allée (complaisance) à mon apitoiement. L'apitoiement et la complaisance sont vraiment les forces actives de notre autocontemplation. Je suis au départ à un haut degré d'autocontemplation, je crois que vous avez pas idée; j'ai tenté de me forcer à ne plus être aussi coincée que je l'étias dans mon autocontemplation, mais ca ne tient pas. Au moindre choc, au moindre évènement, je cours m'y réfugier.
Je crois que le seul moyen, c'est de s'attaquer de manière systématique à son apitoiement et sa complaisance.
Et ca commence par accepter de vivre et d'exprimer nos émotions, surtout celles qui n'arrange pas l'image qu'on a de nous. Les vivre, mais sans en faire toute une dramaturgie, comme tu l'écris si bien Renaud, et en tant que petite fille de slave, la dramaturgie, ca me connait. Mais la dramaturgie molle, la dramaturgie qui fait que quand même, on reste normal.
Ah oui, parce qu'il faut capter ça. La complaisance, l'apitoiement et l'autocontemplation sont devenus la norme. Observez les gens autour de vous, vous verrez que la seule préoccupation de tout un chacun, c'est lui même, que tout le monde passe son temps à s'apitoyer, à subir sa vie, et à se complaire dans sa médiocrité ou sa recherce de victoire.
Donc sortir de ce système fermé, sortir de l'autocontemplation, de la suffisance et de la complaisance, ça veut dire ne plus être normal.
Je vous laisse réfléchir à ce que ca implique, de ne plus être normal.
Merci encore pour cet article, ca remet les pendules à l'heure !