Scoliose, quand la douleur devient un outil pour grandir
Scoliose, lordose, cyphose. Non ce ne sont pas des sucres simples (oses) mais trois différences dans la station verticale. Moi j’ai choisi la scoliose. Ce n’est pas grave, ce n’est pas rien. La douleur était ma compagne. Présente, persistante, tout le temps. Ça tire et tord, tout le temps. Il y a pire, il y a moins grave.
Mais la scoliose, comme la douleur, peut aussi être vécue comme une différence qui vous tord pour vous donner l’occasion d’être Droite. Un peu comme le vent qui souffle constamment pour donner une verticale oblique aux Cyprès de Provence.
Personne n’aime avoir mal. Ni vous ni moi ne mettons en place consciemment de la douleur dans nos vies par pur plaisir. Mais voilà, la douleur, la peine, la souffrance sont des éléments inévitables de la Vie. On peut trouver ça regrettable il n’empêche que c’est comme ça.
eAlors nous pouvons à force de carcan et d’opération rentrer dans le droit chemin, dans la normalité. J’ai choisi un autre chemin, celui, tordu, qui m’a rapproché de moi, de mon humanité. Ce n’est pas une fin en soi ni l’éloge de la douleur mais juste mon témoignage d’une fille un peu tordue qui a trouvé sa verticalité… ou presque.
Scoliose : L’histoire d’une jeune fille au dos tout tordu
Il était une fois une jeune fille qui avait décidé qu’elle ne voulait pas grandir, pas dépasser les personnes qui l’entouraient. Elle a déformé son dos pour perdre les quelques centimètres qui l’auraient rendue trop visible, trop femme, trop vivante.
La jeune fille s’est pliée, tordue, rapetissée. Elle a déposé au sommet de son crâne une planche virtuelle qui empêchait sa croissance. Elle a créé une bifurcation pour ne pas prendre trop de place.
Hélas, comme souvent, c’est l’inverse qui s’est passé. On l’a amenée chez des kinés, des spécialistes de tout poils qui voulaient lui refaire un dos bien droit. Rectiligne et longiligne, bien dans la norme comme il se doit.
Mais, chose incroyable, elle a refusé ce carcan qui l’aurait étouffée et elle a découvert son corps. Parce que jusque-là, elle ne vivait que dans sa tête, dans son imaginaire et dans ses rêves. Des lieux où l’autre n’existe pas, des lieux qui lui semblaient sécurisés.
Aimer cette prison où nous nous sommes mis
Elle s’était donné bien du mal pour se déformer. Il était hors de question qu’on la remettre dans une petite boite bien rigide. Puisqu’elle avait pris la tangente, autant en faire une force.
La femme voulait être bien droite, digne et présentable. La jeune fille voulait écouter cette voie maligne qui lui disait de surtout ne pas se redresser, de garder la tête basse et le dos vouté. Aucune des deux n’a jamais pensé, ni même osé imaginer qu’elles pouvaient accepter leurs courbures et leurs tensions.
La femme et la jeune fille se sont longtemps battues. Des tensions et déchirements sans fins. Le carcan mental, la lutte entre elles, remplaçait le corset des kinés.
Heureusement un jour la jeune fille a découvert que cette déformation était comme un point de présence qui se rappelait sans cesse à elle. Elle essayait encore de partir dans tous les sens, de se fuir et de s’oublier. Hélas pour elle, sans arrêt, les muscles et les os de son dos lui disaient : “Reviens vers toi, recentre toi.”
Ça a été le plus beau cadeau que je me sois fait. J’aurais été une petite pimbêche prétentieuse bien lisse et pleine de superficialité et de bienséance. Ça m’a forcé à plonger à l’intérieur de moi, à découvrir ce qui se cachait au cœur de cette courbure que je trouvais si disgracieuse : la VIE.
La douleur, un chemin pour trouver son humanité.
L’histoire de ce chemin d’apprentissage entre ma scoliose et mon humanité pourrait s’arrêter là : « Elle vécu heureuse et n’eut pas d’enfant parce qu’elle n’en voulait pas ». Mais la vie n’est pas un conte de fée ou un film de bollywood.
Mais se tapissait dans l’ombre une autre donnée que je n’ai perçue que très récemment : la douleur. Je lisais à ce moment-là un livre de Robert Ludlum “La directive Janson”. (voir sur Amazon – Voir chez votre Libraire). Ce n’est pas le plus grand livre de la terre, mais il m’a été utile.
Dans une scène de torture que je trouvais très dérangeante en la lisant, le tortionnaire dit au torturé : “Vous avez mal n’est ce pas ? Ça veut dire que vous êtes vivant, non ?”
Eh oui, la douleur m’accompagnait à chacun de mes pas, du lever au coucher du soleil. Tantôt infime, tantôt bien présente. A travers ma scoliose, à travers cette forme de différence je jouais la victime et le bourreau tout à la fois.
La douleur une compagne fidèle qui ne nous laisse jamais tomber
J’avais développé tout un tas de stratégies pour supporter la douleur. Des étirements, des mouvements bien à moi pour atténuer cette douleur. Mais au fond de moi je croyais qu’elle était une composante intrinsèque de ce cadeau.
Je croyais que les douleurs liées à ma scoliose étaient le prix à payer pour ressentir la vie tourbillonner en moi.
En réalité, je retenais la douleur. Je lui avais mis une laisse, elle était devenue un doudou, un animal de compagnie au même titre qu’un chat qui nous accompagne sur le chemin. C’était une manière de ne jamais être seule. Ma douleur, mes tensions étaient toujours à mes cotés.
Mes stratégies et techniques étaient tellement efficaces que parfois la douleur devenait même invisible. Elle était toujours présente mais je l’avais totalement intégrée à moi. Une partie de ma personnalité était la douleur.
Abandonner cette douleur qu’on croit être nous.
Comme me l’a dit un ami très cher, je gardais jalousement la douleur pour moi toute seule. C’était « ma meilleure amie ». J’en étais la détentrice, la propriétaire exclusive !
La douleur qui au départ n’était que physique commençait à se diluer sur ma vie de tous les jours. La tension devenait ma vie, ma vie était faite de tensions. Jusqu’à cette phrase, jusqu’à ce livre je n’avais jamais osé penser que peut-être cette énergie pouvait faire défaut à quelqu’un d’autre.
Parce que oui, la douleur peut être une très grande aide. Parfois c’est la seule aide, le seul aiguillon disponible pour nous faire avancer.
Par contre cheviller les douleurs d’une scoliose ou autre à notre existence nous rend juste dépendant d’elle.
Alors j’ai décidé de m’en défaire.
Ça ne se fait pas en une seconde et en même temps, ça se fait effectivement en une seconde !
Ce que je veux dire, c’est que la décision sereine et complète est fondamentale. Car oui, c’est notre intention qui déplace notre point d’assemblage et nous met en lumière une autre manière de fonctionner. Le point d’assemblage est mobile. Il assemble des mondes mais ne fait pas disparaître ceux qui existent.
Donc cette position de mon point d’assemblage dans laquelle la douleur fait partie prenante de ma vie existe toujours quelque part. Par contre je peux maintenant vivre dans un autre monde où la douleur n’est plus une caractéristique majeure et aussi prégnante de ma vie.
A moi d’être présente pour percevoir quand cette vieille compagne pointe le bout de son nez et d’être assez rapide pour la voir et lui dire que je n’ai plus besoin d’elle. C’est un travail du quotidien pour assembler un nouveau monde où la douleur n’est pas niée comme je pourrais le faire avec des cachets mais ou, simplement, elle n’a pas lieu d’être. Ça ne veut pas dire que je n’ai plus mal, mais que je me défais de cette dépendance à la douleur. Je change, pas après pas, pierre après pierre, le monde que j’ai construit.
La souffrance, un outil contre la peur du vide
En plus, quand on s’approprie une souffrance ou toute autre chose, on remplit un vide. Pourtant, la vacuité fait totalement partie de nous… Mais, comme souvent, c’est également la chose qui nous fait le plus peur au monde.
Alors on comble avec tout ce qui nous tombe sous la main. Et on s’identifie à cette chose jusqu’à croire que nous sommes ça. Certains comme moi vont choisir une scoliose ou toute autre difformité. D’autres vont s’attacher à leurs maladies, leurs croyances, leurs violences, leurs professions jusqu’à ce que leurs traits de caractère deviennent Nous.
Pourquoi vous raconter cette histoire sur la douleur ?
Parce que, pour moi, c’est une histoire de pouvoir.
Alors surtout, ne faites pas de raccourci ! J’ai en premier lieu détesté cette déformation ! J’en ai eu honte, je l’ai rejetée, je me suis apitoyée au maximum. J’en ai voulu à la terre entière pendant des années. J’ai rendu tout le monde responsable, même la vie était coupable.
Et puis, un jour, j’ai appris à me regarder en face et j’ai réalisé que c’était le plus beau cadeau que pouvait me faire la vie.
Cette torsion m’a contraint à me redresser. A vraiment profiter du cadeau de ma verticalité. La scoliose a été, POUR MOI, l’outil pour me ramener vers moi. Elle m’a donné l’occasion d’apprendre à me connaître. Cette scoliose, cette torsion en S, c’est une part de moi. La douleur, elle, n’est qu’un rajout, un aiguillon, qui ne m’est plus utile.
Autant la scoliose est mon ancre, mon coach spirituel et me donne l’occasion de ne pas oublier que je suis incarnée. Autant la douleur, aujourd’hui, n’a plus de sens sauf celui de me maintenir dans un état de lutte depuis longtemps dépassé.
Utiliser nos chaînes & nos difformités pour se libérer
Chaque évènement qui a marqué notre corps, notre cœur ou notre esprit est une occasion à saisir pour nous rapprocher de notre essence, de notre centre. On vous le dit très souvent dans tous nos articles : Rien n’est à jeter, même si ça nous semble insupportable sur le moment.
On vit ce qu’on a à vivre. Douleur ou bonheur c’est nous, humains, qui regardons ces deux visages de la même pièce.
Et comme toujours, on a le choix dans notre manière de le vivre. Ou tout au moins, dans notre manière de le transcender ou non. On peut s’apitoyer jusqu’à la fin des temps ou se tendre et lutter contre ce qui n’est au final qu’une autre manière de s’apitoyer. Mais on peut aussi prendre à bras le corps notre vie avec toutes ses bosses, ses aspérités, ses ombres et si le cœur nous en dit les rendre magiques.
Chacun de nous a entre ses mains tous les outils nécessaires pour transformer son histoire personnelle en Histoire de Pouvoir. Il faut simplement y mettre tout son cœur et accepter que la vie n’est que proposition. Parfois il fait soleil, des fois il pleut, il y a du vent et du calme, des arbres et des feux de forêts. La Joie et la Peine par contre … c’est nous qui les créons !
Sidonie
A lire aussi scoliose et théorie du Chaos – congrès SIRER 2005