Disparaître pour naître, témoignage
Disparaître et renaître, le défi
Pour s’amuser des fois on aime bien se mettre des petits défis. Pour avancer des fois on est obligé de s’imposer des « petits » défis. Dernièrement le défi, le challenge, que j’ai eu à vivre était de chanter dans la rue. Disparaître, me fondre dans la masse… en chantant !
La rue, le monde des anonymes !
Mais voilà j’ai un passif avec la rue, un passif avec la musique. Ces deux mondes, souvent proches, sont une forme d’héritage paternel. Clochard musicien, vagabond céleste, protecteur des « sans dents » et édenté lui-même. Il n’avait rien à part la musique, la rue et sa vie. Il ne pouvait pas me donner sa vie… J’ai donc longtemps vécu un mélange ambigu d’émotions à son égard et à l’égard de ce qui le définissait à mes yeux. Autant vous dire que ce défi, quand il s’est présenté, m’a « submergé de joie ». Mais vous vous en doutiez je l’ai fait ! Bien entendu j’ai choisi d’inaugurer ma session en commençant par l’arbre de mon Père ou Arbre à Papa, à défaut de sa barbe…
L’arbre de mon père qu’est-ce que c’est…?
Et bien, suite à la mort de mon Père, des Anonymes (pour moi) ont voulu témoigner de l’empreinte de Batman (le surnom que je donne à mon père) dans leurs vies; Et ils ont sculpté à même l’écorce d’un arbre les mots : Darry (son prénom), rue, respect.
J’ai donc commencé mon petit périple, là, sous cet arbre, qui se trouve à la Plaine (un quartier de Marseille). Je dis périple parce que disparaître aux yeux du monde, et à ses propres illusions, ça engendre plein d’aventures magiques. Disparaître à ses yeux pour laisser se faire des rencontres, des échanges, des sourires, des regards qui n’ont pas manqué de ponctuer cette balade. Je vous passe les détails, pour des raisons pratiques :).
Disparaître à ses yeux, l’expérience…
Et bien plein de choses… et puisqu’on est dans les détails, je vais disséquer mes ressentis parce qu’après tout, le détail c’est un peu ma spécialité. J’ai un esprit analytique, et un sens de l’observation développé, donc autant les mettre à profit.
De ma position intérieure, je me sondais, tout en observant les différentes sensations provoquées par mon rapport à l’extérieur. Les premières impressions d’anonymat. La Delia que je connaissais disparaissait, là où personne ne m’attendait. Je me suis sentie créer une brèche dans l’ordinaire, dans mon ordinaire. Quelque chose en moi était en train de fondre dans le Tout. La Delia « ordinaire » était en train de disparaître.
Bien sûr c’est allé tacler mon besoin de reconnaissance. Je ne vous cache pas que l’envie de me prendre au sérieux a été une étape plutôt gratinée.
Mais au final je me suis dit que tout le monde s’en foutait et que finalement moi aussi. Et ça fait du bien. Mais pas que…
Je vais vous chanter la ballade …
Alors ce périple dans les pas de mon père, cette ballade chez les anonymes m’a permis de recevoir plein de sourires, des encouragements, des pouces levés vers le ciel – des « Like » en langage Facebookien 🙂 – et une multitude d’échanges. Et quand une voix en moi me rappelait que la peur existe, je choisissais de me rappeler que tout ça n’est qu’une illusion. Je me rappelais que je suis folle et que les fous font des choses qui sortent de l’ordinaire. Les premiers pas dans « se traquer soi même ». J’apaisais ma peur de l’anormalité en devenant une folle « normale ». Je ne me battais plus contre ma normale folie, mon originalité devenait normale. Ouf ! Un premier pas.
Je ne prétends pas réussir à tous les coups mais j’ai définitivement assoupli quelque chose, passé des limitations que je m’imposais. La sensation que ces premiers pas vers ce moi-même anonyme et heureux sont comme un muscle, plus on le travaille, plus c’est simple et naturel. Je réalise surtout que je n’ai plus vraiment peur mais qu’il reste de l’attachement à ces peurs pour en masquer une bien plus importante.
Wild Delia xx
Merci Wild Delia !
Bravo d’avoir réalisé l’acte de chanter dans la rue! Un écho avec ce que j’ai pu comprendre des artistes: la question de l’anonymat est souvent présente chez celui qui suit une voie artistique. On veut la gloriole, elle vient pour certains et cela devient un un problème à gérer, m’aime t-on vraiment pour ce que je suis ou ce que je fais? Qui aime t-on? L’artiste connu où l’être que je suis resté dans le privé? Quand il n’y a pas de réussite sociale ou de petite ou grande gloire, on peut porter avec soi toute sa vie un sentiment d’incomplétude : suis-je à ma juste place? Pourquoi suis-je resté anonyme?
J’ai le sentiment profond qu’il faut aller voir dans les attentes et les projections du clan familial. Pour ma part, je sais qu’être musicien était un désir de mon père, que cela a été abandonné et qu’il a misé sur moi en me payant des études et des instruments de musique. En revanche, cela n’est jamais passé par les mots directement. Et ma mère avait toujours une sorte de fantasme sur les célébrités ou les gens qui avaient à ses yeux une certaine importance, en bref, il valait mieux dans la vie s’approcher de quelqu’un de charismatique et cheminer à côté. Si je prends les deux aspects de l’un et l’autre des parents, ça fait un bon cocktail pour se prendre le choux régulièrement avec des histoires de projet de musique ou de fréquentation d’artistes avec son lot de surprises et de contrariétés.
Mais la bonne nouvelle, c’est que j’ai en moi d’avantage de ressources et de centres d’intérêt et que beaucoup de difficultés posées sur ma route sont issues de projections familiales qui ne m’appartiennent pas!
Bonjour, merci pour votre partage sincère. Je ne vous connais pas et je ne suis pas musicien mais je me retrouve un peu dans vos propos. La peur de disparaître est vraiment très forte et aussi la peur d’exister. Je chemine pour essayer de réconcilier ces deux peurs mais j’avoue que ce n’est pas simple tous les jours.
En tout cas merci de votre partage.