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Conscience @ Un autre regard

Toril le film, un polar sombre, simplement envoûtant

Toril le film, la dernière danse face à la mort.

Je vous le dis tout de go, Toril c’est pour moi le film révélation de 2016 ! Pas moins ! Loin des blockbuster. Très loin des films à gros budgets souvent décevants. L’équipe de Toril est petite, familiale et la claque que le film m’a mis est inversement proportionnelle au budget. Laurent Teyssier (le réalisateur) et Guillaume Grosse (Scénariste) renouent dans Toril avec le très bon cinéma français. Le cinéma où on prenait le temps de réfléchir avant de dire action et surtout un cinéma super poétique, même si en l’occurrence ici la poétique est assez sombre. Mais les plus beaux contes sont souvent très sombres, non ?

toril le film

Quelques infos sur Toril :

  • Laurent Teyssier (réalisateur) Guillaume Grosse (Scénariste)
  • Vincent Rottiers (Philippe) Bernard Blancan (le père) Tim Seyfi (José)
  • Une production TITA prod. (merci à vous)
  • Sortie en salle 14 Septembre 2016

Toril, un film sobre et puissant.

Toril est à l’image de son affiche. Sobre, simple, efficace, à l’image de la vie qu’il relate. En fait il ne relate pas cette vie, Toril vous prend dans ses petits bras musclés et vous plonge, sans vous demander votre avis, dans la vie, dans l’univers des taiseux. J’ai lu sur première et d’autres sites “Agriculture et cannabis”, oui, si on veut mais ce serait vraiment faire trop court et trop simpliste.

Le synopsis ? Philippe, fils d’un petit paysan, essaye d’aider son père au bout du bout du rouleau dans sa volonté de garder les terres familiales, comment gagner de la thune vite ?

Toril parle du monde des petits paysans d’ici et d’ailleurs… Un monde que finalement les citadins que nous sommes ne connaissons que 15 sec de temps en temps quand on tombe sur une info du genre “Les producteurs de fruits déversent devant la préfecture X tonnes de …” ou plus tristement “on apprend le suicide d’un paysan à …”. Et oui, parce que la terre c’est funky, c’est cool, regarde dans “le bonheur est dans le pré ils sont heureux les pécores”. Ouais ça c’est le point de vue des citadins qui ouvrent leur frigo pour choper des belles courgettes bien vertes … mais derrière c’est quoi la vraie vie dans les terres ?

Toril est tout sauf un mélo.

Alors n’allez pas imaginer que Toril est un film partisan sur la condition paysanne et que vous allez pleurer dans les bras de José le moustachu. Bon vous allez pleurer mais sur les humains qui vivent, pas sur les paysans, et ça change tout. Et puis Toril n’a pas pour but de faire pleurer.

Toril n’a pas d’émotion, pas de bonnes intentions, pas de leçons à donner. Et encore moins de revendication. Mais bordel quand vous irez le voir regardez les yeux ! Regardez surtout le premier plan sur le regard du père ! Un regard vide, plein de colère, d’injustice, on est plus dans la tristesse, là on est dans le désespoir. Ce regard je l’ai vu tellement souvent.

Pas que chez les paysans, hélas. Mais ils ont, ils vivent cette âpreté au quotidien. Dans certaines photos du monde ouvrier ou des mineurs on va retrouver la même chose. Mais voilà il n’y a plus beaucoup de mineurs en PACA …

Les paysans sont un peu les mineurs de la Terre. En tout cas les petits Paysans. Ils disparaissent dans leurs champs, leurs champs de factures, de contraintes. Ils se noient dans leurs champs d’inconnues où tu es seul, vraiment seul.

Toril nous raconte ça, nous raconte un chemin pour répondre à cette question du quotidien : comment je me démerde pour payer mes traites ? comment je me démerde pour garder le mas familial ? Comment j’emmène les petits en vacances … l’année prochaine. 

Toril, la rencontre de deux mondes

Je vais citer Melville et le cercle rouge : “… Au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge.”. Toril passe à la vitesse supérieure pour éviter le mélo en créant la rencontre entre deux mondes en apparence opposés. En apparence, c’est toujours trompeur les apparences. Le monde des bouseux et le monde du bling bling, de l’argent “facile”.

D’un côté l’argent que tu arraches à la terre en te salissant, de l’autre l’argent sale qui te salit encore plus sûrement qu’une flaque de boue.

Le monde de la nuit, quand les paysans dorment. De loin le monde des stup c’est comme le monde de la terre, tu te dis que c’est facile.  Tu crois toujours que ça va bien se passer, que c’est juste pour un coup, tu peux vite palper grave de thune… D’expérience je vous le dis, un coup ça n’a jamais existé ! La nuit c’est dur ! En tout cas cette nuit là elle est dure. Même en plein jour tu n’y vois rien. En plein jour tu dois disparaître, exister sans te faire voir. T’agiter, faire des trucs, sans que personne, vraiment personne ne soit au courant.

C’est le pays des mâchoires serrées et des yeux sur le qui-vive. Le pays où tu ne dors plus, en tout cas jamais sereinement. Les acteurs choisis y sont excellents, très (trop ?) réels. Comme dit José (Tim Seyfi, excellentissime choix et excellente interprétation) dans le film, “c’est ce que tu te diras quand tu arriveras plus à dormir la nuit ?”

Deux mondes durs et solitaires

Deux mondes sauvages où rien n’est pardonnable. Dans les champs c’est le gel qui casse ta récolte et ton moral. La nuit c’est autre chose qui te casse et puis c’est pas des abricots qui meurent, c’est des gens.

Dans les deux cas tu dors pas la nuit. Et dans les deux cas le moindre faux pas c’est risquer de tout perdre, y compris ta vie. Tu te noies dans ton champ, tu te noies dans la nuit, c’est pareil, ça tue pareil. Dans les deux mondes t’es vraiment seul face à l’inéluctable. Dans les deux cas tu joues au con avec toi même.

Tu es tout seul dans l’arène, seul contre tous (ref. Gaspard Noé), un toro et des rasetteurs ? Non, un toro et des “matadors” et le toro, ne te trompes pas … c’est toi !

Pour certains le film peut sembler être une fiction … Perso il me rappelle juste de sombres années. Il est justement pas du tout dans la fiction. A part peut être la fin 🙂 Vous comprendrez en voyant le film.

Toril n’est pas dans le mélo, il n’est pas moral non plus alors tu pleures pas, tu hurles pas mais par contre tes tripes … 

Toril, la vie dévoilée

Toril parle des mondes des taiseux. Celui des paysans et celui de l’économie clandestine. Comme si ça ne suffisait pas, on est au coeur de la Camargue.

Un monde de silence, de vent, avec le soleil qui te crame, des moustiques, du sel, pas un arbre pour s’abriter. Et si tout ça t’a pas achevé il reste le ricard ballon. La Camargue j’y suis né et je peux vous garantir qu’en vrai elle n’a rien d’accueillant cette terre. Tu sais qu’ici le patron c’est pas toi ! Ne vous déplaise …

La force de Toril et de Laurent Teyssier c’est qu’il ne raconte pas, il nous fait vivre. Il nous emmène dans la vie, la sueur, les larmes, la rage de tous ses protagonistes. Et son choix d’acteurs est juste top ! Bravo à tous au passage.

Le film est à l’image de la porte d’un Toril. Sobre, efficace, brut, parfois brutal, ENTIER !

Toril et la dernière danse

C’est un thème récurrent chez les deux camarades Laurent Teyssier et Guillaume Grosse . Ils filment et mettent en scène avec talent les gesticulations inutiles des hommes face à l’inéluctable ! Le moment où tu veux à tout prix un truc qui dans tous les cas n’arrivera pas. L’espoir imbécile de défier la mort, de défier l’inéluctable.

Ils mettent en scène les derniers soubresauts des vivants, le moment où tu sais qu’il faut lâcher et où ta fierté, ta nostalgie ne peuvent s’y résoudre alors qu’au fond de toi tu sais bien que c’est déjà fait.

Leur duo, j’ai pu les voir dans d’autres films (vous chercherez), sait nous plonger au coeur de l’intime, au coeur de la vie d’un autre. Et si on sait regarder on s’y retrouve toujours soi même.

Toril fonctionne à l’économie, il n’y a pas le temps.

Les plans super serrés de Laurent et l’écriture simple, sobre, efficace de Guillaume enlèvent tout le pathos ou la morale. En fait Toril c’est moi, c’est toi, c’est nous. Les décors changent, il est un peu poussé mais au final … Regardez, voyez sans illusion votre propre manière de vivre … Et repensez à Toril… Il n’y a plus rien !

Comme dans la citation du cercle rouge “Au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge.” Dans la famille de Teyssier / Grosse c’est “au jour dit, inéluctablement à la fin on brûle tout et on regarde le feu”. JOIE ! 

Toril c’est sombre, c’est clairement pas jouasse (+16 ans), c’est une vérité toute crue comme la corrida. Il y a un toro et tout le monde sait comment ça va se finir. La manière ? On s’en fout de la manière ! Toril c’est une cagette de courgettes dans la gueule au milieu d’une arène avec des mecs qui te mettent en joue pendant que tu sniffes un rail de coke.
Pan !

Toril, le film en bref

  • Sortie en salle le 14 septembre
    En Juin j’ai eu la chance de voir la projection pour l’équipe, et ouais, mais franchement le 14 septembre je retourne le voir et je paierai volontiers ma place.
  • Le site de Laurent Teyssier à l’image de ses films
    le site laurent Teyssier
  • Facebook de Toril, le film [la page],

Alors faites du bruit autour, il n’y a que 80 copies dispo et à mon avis il vaut largement pas mal de films blockbusterisés et surtout, en plus du bruit et des partages : prenez vos petites jambes, votre chéri.e.s, vos ami.e.s et allez le voir !

 

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Renaud

Naturopathe, psychothérapeute et pratiquant de différentes techniques énergétiques depuis plus de 20 ans. J'essaye d'amener dans chacune de mes actions un autre regard, une autre manière d'être et de vivre le monde qui nous entoure.

3 réflexions sur “Toril le film, un polar sombre, simplement envoûtant

  • Salut,

    Merci beaucoup pour le magnifique article sur le film “TORIL”. Il y a juste une petite erreur dedans. Vous avez mal écris mon nom au milieu du texte.
    Au lieu de “Tym Sefi”, c’est TIM SEYFI.

    Je vous serez très reconnaissant si vous pouviez changer cela.

    Merci!!!

    Amitiés

    Tim Seyfi

    Répondre
    • MERCI ! j’accepte volontier le compliment mais il n’existe que parce que vous avez fait un vrai beau film.
      Au passage merci à vous d’incarner un si beau et juste José. J’adore ce mélange entre dureté et tristesse et une lucidité sur soi et sur sa vie que j’ai souvent rencontré dans ce milieu.
      J’espère vous retrouvez toujours aussi juste dans plein d’autres films. Belle route à vous et encore merci.
      La correction est faite, désolé pour cette dyslexie du clavier.

      Répondre
  • Merci pour ce texte, tu me donne follement envie de retourner voir TORIL !
    Je crois que je sais ce que je fais le 14 septembre 🙂

    Et je suis tout à fait d’accord avec toi, je trouve que le titre est parfait, Toril, comme l’inéluctabilité du destin, on a beau se battre, gigoter, les choses qui doivent advenir … adviennent !
    Un grand merci à Laurent Teyssier, j’adore le sens de l’image de ce mec ! et à Guillaume Grosse, j’adore son écriture précise, fine et directe !
    Ben je vous le dis, même si j’ai un tout petit rôle dans ce film, je suis hyper super fière d’avoir participé à cette aventure 🙂
    Et maintenant je ne souhaite qu’une chose, non enfin deux :
    Retourner voir Toril
    Et pleins pleins de films à venir pour Laurent Teyssier et Guillaume Grosse !

    Répondre

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