Ralentir joyeusement et de façon dynamique!
L’humain déréglé par sa propre humanité croit aux vertus du relâchement physique et cérébral. Dans les métiers qui travaillent sur le corps et la voix, je veux dire l’art vocal, la danse ou la pratique d’un instrument, il n’y a pas de relâchement. C’est l’art de la verticalité. De l’axe debout.
J’aime l’hiver : on peut ralentir !
Moins de choses à faire, c’est cool. En même temps, cela signifie-t-il de lâcher mollement les commandes ? Doit-on compenser les moments d’activité avec l’art de se vautrer au coin du feu ?
Ou plus exactement, c’est l’art de la présence au geste corporel. Dans chaque action on y adjoint une conduite consciente. Qui n’est pas non plus du contrôle. On peut dire un texte dans des postures improbables et garder cette conduite consciente. On peut jouer des notes de musique avec une très faible intensité et aussi dans la lenteur extrême en gardant toujours cette conduite consciente.
Et si on le disait en musique ?
J’ai fait un morceau de musique sur des éléments qui empruntent au décor mi-automnal, mi- hivernal du moment : plutôt lent, plutôt mineur. En même temps la mélodie improvisée chemine énergétiquement à l’intérieur de ce décor.
Un poème célèbre d’Aragon commence par : “Tout est affaire de décor“. Le décor c’est l’étirement de l’automne qui s’est fabriqué des couleurs pour tenir le plus longtemps possible. Certainement grâce à l’eau abondante de ces derniers temps.
Tout est affaire de tempo, surtout le tempo. Et c’est le ralentissement. Hiver, tu sais nous ralentir. Tu sais faire naître le silence. En musique, où va être ton silence ? Derrière les notes. Avant et après.
Le silence uni de l’hiver
Le silence uni de l’hiver
est remplacé dans l’air
par un silence à ramage ;
chaque voix qui accourt
y ajoute un contour,
y parfait une image.Et tout cela n’est que le fond
Rainer Maria Rilke.
de ce qui serait l’action
de notre cœur qui surpasse
le multiple dessin
de ce silence plein
d’inexprimable audace.